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RECIT DE MONSIEUR
Elie LEMARCHAND
7 juillet
1944.
Vers 13 ou 14h, début d'après-midi, un avion
tourne au-dessus de Bons-Tassilly … La DCA tire, nous sortons pour voir …
L'avion est touché, il tombe en flammes. Le pilote s'éjecte, descend à travers
les flammes et pour cette raison, il est gravement brûlé au visage et ailleurs
sur le corps. Le pilote descend, tombe dans un petit bois de l'autre
côté de la route, derrière le lavoir de Bons-Tassilly. L'avion s'écrase, non
loin de là, entre la route de Caen à Falaise et le Laizon, dans les marais
formés par le Laizon. (Près de là passe maintenant la nouvelle route 2 fois 2
voies, de Falaise à Caen et on trouve aussi la station d'épuration de
Bons-Tassilly). A ce moment le pilote se dépêtre au travers des bosquets
derrière le lavoir. C'est alors qu'en même temps, Mr Guy Oriot qui l'a aperçu,
se dirige vers lui et peut-être lui fait signe de se cacher dans le bois
derrière le lavoir… Mais … voilà les Allemands basés à Potigny qui arrivent en
auto, aperçoivent Mr Oriot qui se dirige vers le pilote … Arrêtés tous les deux,
l'histoire va commencer, car Mr Oriot est sans doute soupçonné de vouloir aider
le pilote à se sauver. Le pilote, lui est fait prisonnier, mais que venait faire
là Mr Oriot … Pour les Allemands, peut-être un " résistant " qui cherchait à
cacher le pilote… Toujours est-il qu'ils sont emmenés tous les deux à la ferme
du château de Bons-Tassilly où réside pour un temps, le colonel qui commandait
la D.C.A. qui a abattu l'avion. Les Allemands qui arrivent à la ferme du
château avec les 2 hommes sont des S.S. Il s'ensuit une âpre discussion entre
les 2 parties Wehrmacht et S.S. Si bien que ce sont les S.S. qui emmènent Mr
Oriot et le pilote à leur quartier général qui se trouve à Beaumais… On pense
alors que pour Mr Oriot , cela est grave et qu'il aura du mal à s'en sortir… que
ça peut, peut-être, lui coûter la vie (Les S.S. ne badinent pas ). Donc le
propriétaire du château qui héberge le Colonel, pense qu'il faut essayer
d'arranger la chose. Il va le trouver dans le salon où il a installé son P.C. et
essaye de le convaincre que Mr Oriot n'est pour rien dans cette affaire et
pendant une bonne partie de l'après-midi, c'est à coups de café arrosé de
calvados que finalement le Colonel prend son téléphone en direction de Beaumais
et … on ne sait pas ce qu'il a pu dire pour convaincre les S.S. que Mr Oriot
n'avait rien à voir dans cette affaire.
(La suite me fût
racontée par Mr Oriot lui-même)
Après avoir été un peu malmené, Mr Oriot est finalement libéré dans
la soirée … Vous pensez bien, il n'a pas demandé son reste et a pris à pied la
route, sans doute par les plus courts chemins de Beaumais à Bons-Tassilly … Mais
voilà, que quelques kilomètres plus loin, il est rattrapé par la voiture des
S.S. … Son sang ne fit qu'un tour et il pensa tout de suite : 'cette fois mon
compte est bon' … Eh bien non !! Ils venaient s'excuser de l'avoir malmené et
lui proposèrent de le ramener à Bons-Tassilly … ce qui fut fait … Le
lendemain les parents de Mr Oriot vinrent chez le propriétaire du château pour
le remercier de son intervention auprès du Colonel et lui apportèrent quelque
chose pour le remercier.
Cet avion, je ne sais pas si il s'agissait d'un
Spitfire … A-t-il été enlevé par la suite par les entreprises qui enlevaient les
épaves de la guerre ? … Mr Oriot est maintenant décédé depuis quelques
années, le propriétaire du château est lui aussi décédé ainsi que pas mal des
membres de sa famille. Il reste encore des petits-enfants qui avaient à ce
moment 3, 4, 5 ou 7 ans, peut-être ne se souviennent-ils pas de cette affaire.
Donc peu de témoins… Moi, si je m'en souviens, c'est parce que j'étais
'camouflé, évadé du STO' et que je travaillais dans cette ferme du château de
Bons-Tassilly. J'avais 21 ans, il ne fallait pas trop traîner près de ces gens
de la S.S. ou autres. Mais je me souviens très bien de ce pilote canadien qui
avait des brûlures au visage et ailleurs, est-ce lui ? Bien sûr la zone
sud-ouest de Falaise ne dit pas grand-chose. Un avion qui virevolte à la
recherche de sa proie et en plus cherche à éviter la D.C.A. ne peut se situer à
quelques dizaines de kilomètres près … J'ajoute pour la petite histoire, que
Mr H. le propriétaire du château, familiarisait un peu avec le Colonel
commandant des batteries de D.C.A. de la région. Il était installé ici depuis
les débuts du débarquement et c'est par lui que, chaque matin, Mr H. avait des
nouvelles des opérations militaires sur les côtes normandes. Comme quoi, il est
quelquefois utile de familiariser (mais pas collaborer …) avec l'ennemi, quand
il s'agit de sauver la vie de quelqu'un. Cette histoire a quand même duré une
partie de l'après-midi et c'est bien vrai, comme le souligne dans l'article des
Nouvelles de Falaise Mr Barry Needham (le pilote), la mère et le père de Mr
Oriot sont venus pour implorer le Colonel en faveur de leur fils. Mais ne
sachant pas parler allemand et le Colonel, pas français, c'est Mr H. de
nationalité belge qui, en quelque sorte, servi d'interprète … Bien sûr Mr Barry
Needham ne savait pas ce que faisait ce jeune homme près de lui dans la voiture
des Allemands. Lui, blessé, brûlé au visage, se cachant dans le bois, peut-être
n'y voyant pas trop clair, n'a peut-être, même pas vu Mr Oriot. C'est normal
qu'il se demande qui était ce jeune homme. Mr Oriot avait, je crois, 21 ans à
l'époque. Je pense qu'une partie de la réponse est dans ce
récit.
Elie Lemarchand (14170 Epaney)
Ce récit a permit à Mr Barry Needham, revenu
tout exprès du Saskatchewan (au milieu du Canada), de retrouver des éléments de
son avion. Le 19 juin 2006 on a exhumé le moteur du spitfire, un canon, 2
mitrailleuses, la roulette arrière (que Mr Needham à ramené chez lui) et
quelques autres pièces qui permettaient d'identifier formellement l'avion de Mr
Needham.
A l'occasion de cette découverte, une entrevue
eu lieu avec le pilote Barry Needham. Au cours de cette entrevue, quelqu'un a
lu ce poème ("Ballade de la Force aérienne") :
J'ai quitté les entraves terrestres
et dansé dans le ciel sur mes ailes argentées. Je suis monté et ai rejoint un
joyeux chaos de nuages découpés par des rais de lumière, Et j'ai vu des
centaines de choses merveilleuses dont vous n'avez même jamais rêvé. J'ai
glissé, plané, me suis balancé là haut dans le silence éblouissant de la
lumière, Suspendu dans le ciel, j'ai poursuivi les vents hurlants, Et
lancé ma piaffante monture dans des espaces insondables. Haut, toujours plus
haut, dans un délire bleu et brûlant, J'ai survolé des sommets balayés par
les tempêtes, Là où nulle alouette, nul aigle même, n'ont jamais volé, Et
alors qu'en silence, mon âme s'élevait vers le sanctuaire céleste, J'ai tendu
la main et j'ai touché le visage de Dieu.
Ce poème fût écrit en
septembre 1941 par l'officier-pilote John Gillespie Magee Jr.
L'officier-pilote Magee de l'ARC fut tué en
service commandé le 11 décembre 1941, à l'âge de 19 ans. Seulement 3 jours après
l'entrée en guerre des Etats-Unis. Le Spitfire sur lequel il volait fut percuté
par un Oxford Trainer sur lequel volait Ernest Aubrey. Cet accident eu lieu au
dessus du village de Roxholm dans la province du Lincolnshire à environ 400
pieds, à 11h30.
Et là Mr Barry Neddham dit " j'étais avec eux ce
jour là … " Emouvante coïncidence … Il connaissait donc l'auteur du poème et
avait volé avec lui … et le jour de l'accident qui coûta la vie à
l'officier-pilote Magee, il était encore avec lui.
Quelques vers de ce poème furent également
lus par Ronald Reagan lors du tragique accident de Challenger 7
Aviation royale du Canada Wynyard
(Saskatchewan)
M. W. Barry Needham est né le 8 août 1920 à
Simpson, en Saskatchewan. Durant sa jeunesse, son père était propriétaire d'un
journal hebdomadaire à Wynyard. Avant de s'enrôler dans les Forces canadiennes,
il a donc travaillé comme imprimeur pour le Wynyard Advance.
M. Needham s'est enrôlé le 28 septembre 1940
à Regina. Il avait alors le goût de l'aventure et de voyager. Il a servi dans
les rangs du 412e Escadron (Spitfire). Le jour J, il a effectué trois sorties,
notamment pour attaquer des cibles au sol. Le 7 juillet 1944, l'appareil de M.
Needham a été abattu. M. Needham a été capturé et détenu dans un hôpital de
fortune allemand pendant 34 jours. Après avoir été libéré, il est rentré au
Canada et il a joint les rangs de l'Escadron transocéanique. Il a pris sa
retraite du service en octobre 1946.
En 1948, il est retourné à Wynyard en 1948
et il a pris en charge le Wynyard Advance. Il a pris sa retraite en 1977. M.
Needham est impliqué dans différentes associations. Il est le secrétaire de sa
filiale de la Légion royale canadienne depuis les 25 dernières années. Il est
également le secrétaire de la Canadian Fighter Pilots Association (Western
Wing), et il est membre de l'Association de la Force aérienne du
Canada.
M. Needham et son épouse ont quatre enfants,
trois petits-enfants et trois arrière-petits-enfants.
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